Le gouvernement a lancé en 2022 un grand plan de reforestation des forêts français suite aux incendies records auquel le pays avait alors dû faire face. Mais quelques années plus tard, le rapport de Frédérik Jobert, le directeur par intérim du Secrétariat général à la planification écologique, placé sous l’autorité de Matignon, pointe des effets de bords insoupçonnés de nature à faire en réalité complètement contre-emploi. Explications.
Le gouvernement a lancé en 2022 un grand plan de reforestation des forêts français suite aux incendies records auquel le pays avait alors dû faire face. Mais quelques années plus tard, le rapport de Frédérik Jobert, le directeur par intérim du Secrétariat général à la planification écologique, placé sous l’autorité de Matignon, pointe des effets de bords insoupçonnés de nature à faire en réalité complètement contre-emploi. Explications.
L’été 2022 a été marqué par des incendies d’une ampleur inédite en France. Face à ces paysages carbonisés et au choc médiatique, Emmanuel Macron annonçait en octobre de la même année un grand projet de reboisement : planter 1 milliard d’arbres d’ici 2032, soit environ 10 % du parc forestier français. Un programme ambitieux, présenté comme une réponse aux enjeux du changement climatique, de la biodiversité et de la souveraineté en matière de bois.
Le gouvernement s’est engagé à accompagner cette initiative avec un soutien technique et financier, en s’appuyant sur les acteurs publics et privés de la filière forêt-bois. Sur le papier, le plan semble vertueux : adapter la forêt au climat de demain, préserver les services écosystémiques, et soutenir une filière économique stratégique.
Mais derrière les belles intentions, des voix s’élèvent pour dénoncer une réalité plus complexe, voire un contresens écologique.
Une mesure qui n’a de sens que dans des forêts dégradées
Le problème majeur de ce plan tient à une confusion entre reboisement et exploitation industrielle. Comme le souligne un rapport publié par l’association Canopée, la France pratique de plus en plus la coupe rase, c’est-à-dire l’abattage intégral de parcelles forestières, souvent de feuillus, pour y replanter des résineux à croissance rapide (douglas, pin, épicéa). Ces pratiques sont massivement subventionnées par l’État au nom du développement du bois énergie et de la rentabilité économique.
Le plan « 1 milliard d’arbres » risque donc de légitimer et d’accélérer ces coupes rases, même dans des zones où les forêts sont riches en biodiversité ou résilientes face au changement climatique. Le reboisement devient alors un prétexte pour remplacer des forêts vivantes et complexes par des monocultures forestières artificielles, plus vulnérables aux maladies, aux incendies… et beaucoup moins favorables à la faune et à la flore.
Comme le pointe Reporterre, il ne s’agit donc pas seulement de planter des arbres, mais de s’interroger sur ce que l’on détruit pour le faire. Si l’objectif est réellement écologique, alors les plantations doivent se concentrer sur des zones dégradées ou artificialisées, et s’appuyer sur des essences diversifiées, locales, adaptées au climat de demain, sans passer par la case « coupe rase ».
Replanter un milliard d’arbres peut être une opportunité formidable. Mais planter n’est pas toujours protéger, et régénérer n’est pas industrialiser. Pour que ce plan ait un sens, il doit s’inscrire dans une vision à long terme, respectueuse de la diversité et de la complexité des écosystèmes forestiers. Sans quoi, il pourrait bien faire plus de mal que de bien.
Pour en savoir plus :
L’étude de Canopée