Pour lutter contre l’effondrement de la biodiversité, la France s’est dotée d’une nouvelle loi en 2016, en parallèle de plans d’actions, dont le dernier est la Stratégie National Biodiversité (SNB) 2030. De quoi parle-t-on ? Est-on suffisamment armé pour lutter contre l’effondrement mondial de la biodiversité ? En quoi la destruction de la biodiversité nous menace-t-elle directement, d’un point de vue santé mais aussi économique ? Explications.
Nous sommes face à la 6è extinction de masse, rien que ça.
L’IPBES*, l’équivalent pour la biodiversité de ce que fait le GIEC pour le climat, alerte sur les ravages irrémédiables que nous causons nous-mêmes. Quelques chiffres pour mesurer l’ampleur :
– 1 000 000 d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction
– 75 % des environnements terrestres sont « sévèrement altérés » par les activités humaines (40 % pour les environnements marins)
– un quart des vertébrés, invertébrés et plantes précisément étudiés sont en danger d’extinction
– 40 % des batraciens, au minimum, sont en danger d’extinction
– en près de cinquante ans, 68% des animaux vertébrés sauvages ont disparu
– la population d’oiseaux a diminué de près de 30% en France en trente ans…
Qu’est-ce que la biodiversité ?
La Convention sur la diversité biologique de 1992, puis le protocole de Nagoya de 2010, ont permis de définir la biodiversité comme tout ce qui comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants.

On distingue 3 services écosystémiques qui rendent des services précieux aux populations :
– les services d’approvisionnements
– les services de régulation
– les apports immatériels.
Mine de rien, ce serait près de 40 % du PIB mondial qui dépendrait de la biodiversité.
Les 5 facteurs d’érosion de la biodiversité
Bien que la nature nous rende de précieux services gratuitement, elle se dégrade aujourd’hui de façon très accélérée, notamment, et dans l’ordre, à cause de 5 facteurs d’érosion bien identifiés, tous liés à l’activité humaine :
1. La destruction des habitats
2. La surexploitation des ressources naturelles
3. Le changement climatique
4. Les pollutions
5. Les espèces exotiques envahissantes

La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 : le dernier cadre juridique français en faveur de la biodiversité
Pour sa sauvegarde, la biodiversité a besoin d’un cadre et d’une solution globale. Il s’agit de se donner les moyens, au niveau national mais aussi planétaire, de restaurer et préserver la nature.
Au niveau mondial, les pays se retrouvent lors des COP (Conférence des Parties) Biodiversité tous les deux ans pour trouver des axes mondiaux d’actions.
Au niveau français, le sujet de la biodiversité est adressé depuis la loi relative à la protection de la nature de 1976, puis la loi sur la protection et la mise en valeur des paysages de 1993. Le 9 août 2016, la France poursuivait son socle législatif dans le domaine avec la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (LOI n° 2016-1087) qui se donnait pour ambition « de protéger et de valoriser notre patrimoine naturel, pour faire de la France le pays de l’excellence environnementale et des croissances verte et bleue. »
Concrètement, les objectifs principaux de la loi biodiversité de 2016 visaient :
– la préservation de la biodiversité : limiter les pressions humaines sur les écosystèmes.
– la restauration de la nature : favoriser le retour d’espèces et de milieux dégradés.
– la valorisation de la biodiversité
Pour accompagner ses objectifs, il s’agissait de permettre le déploiement de la transition écologique, notamment via la prise en compte accrue de l’environnement dans les décisions publiques et privées.
Loi biodiversité de 2016 : une loi structurée autour de principes forts
Trois grands principes structurent ce texte.
Le principe de la solidarité écologique, qui reconnaît que les écosystèmes sont interdépendants, tout comme les territoires et les générations. Il oblige à considérer l’impact environnemental d’un projet au-delà de ses seules limites géographiques ou temporelles.
Le principe du préjudice écologique, qui permet de réparer juridiquement un dommage causé à l’environnement, même en l’absence de victime humaine directe. C’est le principe dit du « pollueur payeur ».
Le principe de non-régression, qui interdit aux textes futurs de diminuer le niveau de protection environnementale existant.
Protéger la biodiversité par la loi
Au-delà des principes, la loi biodiversité de 2016 a également instauré des mesures concrètes. Elle a conduit à la création de l’Agence française pour la biodiversité, devenue en 2020 l’Office français de la biodiversité (OFB). Cet organisme joue depuis un rôle central dans la mise en œuvre et le respect des politiques publiques de biodiversité sur le terrain, en lien avec les collectivités, les associations et les services de l’État.
Parmi les autres mesures emblématiques figure l’interdiction des néonicotinoïdes, des pesticides dits « tueurs d’abeilles », même si des dérogations ont été accordées jusqu’en 2020.
La loi a également introduit une liste nationale d’espèces exotiques envahissantes, afin de mieux prévenir leur propagation.
Elle a renforcé la protection des zones humides, des sols vivants, et des continuités écologiques, à travers la consolidation de la trame verte et bleue.
La loi a encadré l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages (APA), en conformité avec le Protocole de Nagoya sur la biodiversité.
La loi a enfin permis la création de zones marines protégées.
La Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) : la déclinaison stratégique
Les SNB sont des documents d’orientation et des plans d’action définissant les grandes priorités de la France pour protéger et restaurer la biodiversité, sur plusieurs années.
La Stratégie nationale biodiversité 2030 concerne la période 2022 à 2030. Elle fait suite à deux plans stratégiques qui ont couvert respectivement les périodes 2004-2010 et 2011-2020.
Concrètement, 40 mesures ont été proposées autour de 4 axes :
– réduire les pressions qui s’exercent sur la biodiversité,
– restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible,
– mobiliser tous les acteurs,
– garantir les moyens d’atteindre ces ambitions.
Protection de la biodiversité : où en est-on en 2025
Le contexte géopolitique en 2025, associé aux contraintes budgétaires nationales font aujourd’hui craindre que les objectifs liés à la biodiversité soient finalement dégradés, alors même que les enjeux sont plus que prégnants et qu’on a le plus besoin aujourd’hui de soutien pour la transition écologique.
Les récentes attaques envers les organismes tels que l’OFB ou l’ADEME marquent en effet un recul sur ces questions, bien que pour le moment le gouvernement affiche encore un soutien à ces organisations via les déclarations de sa ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt et de la Pêche, Agnès PANNIER-RUNACHER. Elle affirmait ainsi encore le 17 avril 2025, lors de l’annonce de 10 mesures pour « pour permettre un meilleur dialogue entre agriculteur », combien l’OFB avait tout sens.
Les reculs dans le traitement de la lutte contre l’effondrement de la biodiversité sont d’autant plus inquiétants que la loi n’a jusque-là pas complètement remplie ses objectifs : les aires marines dites protégées ne le sont pas vraiment, des habitats naturels continuent d’être détruits dans certains projets d’urbanisme malgré la fameuse trame verte et bleue, des pesticides très nocifs pour la biodiversité et la santé humaine ne sont pas toujours pas interdits…
Le maintien d’un financement à hauteur des enjeux est ainsi aujourd’hui fortement questionné. Il est pourtant important, pour ne pas tomber dans la « tragédie des biens communs » – qui laissent ceux qui profitent de la nature gagner contre ceux qui essaient de la préserver – d’affirmer les ambitions haut et fort et de les soutenir financièrement.
Pour en savoir plus :
Le site de l’IPBES, mine d’infos sur le biodiversité
Le texte de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016