Face aux défis climatiques, à la pression démographique et au besoin croissant de circuits alimentaires durables, l’agriculture urbaine émerge comme une solution innovante et polyvalente. De plus en plus présente sur les toits, dans les friches ou même à l’intérieur des immeubles, elle redessine nos villes et nos habitudes. Zoom sur ce modèle agricole en pleine transformation, qui fait germer l’espoir d’une ville plus verte, résiliente et solidaire.
L’agriculture urbaine regroupe l’ensemble des activités agricoles (production, transformation, distribution) situées dans la ville ou à sa périphérie immédiate, et intégrées au tissu économique, écologique et social local, comme nous l’explique l’Association Française d’Agriculture Urbaine Professionnelle (AFAUP). Elle ne se limite donc pas aux simples potagers partagés : elle peut être professionnelle, associative ou citoyenne, sur des toits, en friches, en bacs ou même en sous-sol.
Outre la production alimentaire, l’agriculture urbaine répond à une diversité d’enjeux :
– Environnementaux : rafraîchissement urbain, rétention des eaux de pluie, dépollution des sols.
– Sociaux : lien entre les habitants, insertion professionnelle, éducation à l’alimentation.
– Économiques : création d’emplois locaux, circuits courts, relocalisation de la production.
Au regard du paysage particulier en zone urbaine, l’expérimentation et des techniques innovantes se multiplient.
Agriculture urbaine : des techniques adaptées
L’agriculture urbaine repose ainsi sur une diversité de techniques innovantes qui permettent de cultiver en ville tout en s’adaptant aux contraintes d’espace, de ressources et d’environnement. Ces méthodes visent à maximiser l’efficacité des cultures, tout en minimisant leur impact écologique.
- L’Hydroponie
L’hydroponie est une technique de culture hors-sol dans laquelle les plantes poussent dans un substrat neutre (billes d’argile, laine de roche, fibre de coco) irrigué par une solution nutritive. Elle permet une utilisation très optimisée de l’eau et des nutriments.
Cette technique permet une production tout au long de l’année, en faisant de sérieuse économie d’eau, jusqu’à 90% selon les cultures. Mais le revers de la médaille est sa dépendance aux solutions nutritives, qui par ailleurs rejettent dans l’eau des oligo-éléments et minéraux qui peuvent altérer les écosystèmes locaux. La question de l’énergie nécessaire pour les cultures sous serre est également soulevée.
- L’aéroponie
L’aéroponie est une forme de culture hors-sol qui nécessitent un appareillage précis. Les racines des plantes sont suspendues dans l’air et arrosées d’une brume contenant les nutriments nécessaires. Cette technique favorise une excellente oxygénation des racines, accélère la croissance et permet un usage minimal d’eau, tout en évitant les maladies souvent transmises par la terre.
L’inconvénient majeur est sans doute son ultra dépendance à la technologie. Le système est piloté à distance et nécessite un investissement de départ et un entretien constant : une buse de pulvérisation bouchée, et c’est la plante qui meurt ! Il faut aussi penser aux solutions énergétiques les moins impactantes pour ne pas en faire une solution d’agriculture urbaine finalement non écologique.
A Paris, Bordeaux et Lyon, l’entreprise Cycloponics développent des fermes souterraines qui utilisent hydroponie et aéroponie pour cultiver champignons, endives et aromates.
- L’aquaponie
L’aquaponie est un système en boucle fermée associant élevage de poissons (aquaculture) et culture de plantes (hydroponie). Les déchets des poissons fournissent les nutriments pour les plantes, qui filtrent l’eau pour les poissons. Ce modèle écosystémique affiche une très faible empreinte environnementale : zéro déchet, double production (poissons + plantes), recyclage de l’eau… Il nécessite toutefois une certaine maîtrise et un suivi régulier pour que les poissons soient bien nourris et en pleine forme. Autre problématique : bien gérer l’eau et l’oxygène.
- La permaculture
Le principe clé de la permaculture est de reproduire un écosystème naturel qui va ensuite presque s’autogérer. Aucun matériel technologique n’est requis en permaculture, ce qui en fait l’une des techniques les plus écologiques. La diversité des cultures est privilégiée, puisque c’est justement l’association de plantes qui va aider, l’ensemble à se développer. Les eaux de pluie sont récupérées et les déchets sont compostées. La permaculture augmente considérablement la résilience et la biodiversité et est tout à fait possible en milieu urbain aussi.
Agriculture urbaine : jouer avec l’espace à disposition
Ce qui caractérise évidemment l’agriculture en ville, c’est la configuration des lieux. Ici, pas de grands champs, prairies, forêts, mais des espaces contraints. Il faut être créatif et les nouveaux urbanistes intègrent désormais ces paramètres pour façonner les paysages urbains.
- Fermes verticales : moins d’artificialisation au sol
Les fermes verticales représentent une révolution dans l’agriculture urbaine. En superposant les cultures sur plusieurs niveaux à l’intérieur de structures urbaines, elles maximisent l’utilisation de l’espace et permettent une production locale, durable et résiliente. Certaines fermes verticales affichent même des rendements impressionnants : une ferme verticale de 1 000 m² peut ainsi produire autant qu’une ferme traditionnelle de plusieurs hectares.
Pour limiter leur impact environnemental, les techniques en circuit fermé comme l’hydroponie et l’aéroponie sont privilégiées, mais avec toutefois les contraintes liées vues plus haut (dépendance technologique, besoins énergétiques importants).
Un des points notbales de ces nouvelles fermes 2.0 est l’éclairage forcément artificiel : pour reproduire la lumière du soleil et permettre les différentes phases de développement des plantes, des technologies à base de LED horticole se sont développées. Moins énergivore que des ampoules traditionnelles, cet éclairage permet un meilleur contrôle de la photosynthèse et des cultures en toute saison. Mais nécessite aussi toutefois de l’énergie.
C’est à Château-Thierry dans l’Aisne que l’on trouve la plus grande ferme verticale française. Nommée Jungle, on y cultive des herbes aromatiques à destination des industries alimentaires et cosmétiques.
- Jardins sur toit et toitures végétalisées
Il n’y a plus d’espace disponible au sol ? Qu’à cela ne tienne : les toits deviennent les nouveaux terrains de jeux des agriculteurs urbains qui en font de véritables champs fertiles. Grâce à des bacs ou des substrats légers, il est possible d’y cultiver des légumes, fruits ou fleurs, et de mettre en place aussi les principes de la permaculture.
On y trouve souvent également des ruches : l’apiculture urbaine s’est en effet fortement développée ces dernières années, car les abeilles y trouvent une biodiversité florale souvent plus stable qu’en milieu rural. Les ruches urbaines participent à la pollinisation des couloirs verts de la ville.
Les toitures végétalisées contribuent par ailleurs à l’isolation thermique des bâtiments, captent les eaux pluviales, favorisent la biodiversité urbaine et participent à rafraîchir en été les zones à proximité.
Des projets ambitieux comme Nature Urbaine à Paris, la plus grande ferme urbaine en toiture d’Europe, illustrent l’ampleur que peut prendre ce type d’agriculture.
- Cours d’immeubles, friches et jardins partagés
La moindre parcelle en ville peut servir de prétexte à planter et cultiver, et ravie par ailleurs les riverains qui peuvent profiter des bienfaits pour la tête et le corps des produits qu’ils ont eux-mêmes faits pousser. Ancrés dans la vie de quartier, les jardins partagés sont gérés collectivement par les habitants.
Les micro-fermes urbaines, quant à elles, combinent production maraîchère, compostage, ateliers pédagogiques et souvent emploi d’insertion, remettant l’agriculture au cœur du tissu urbain. On les trouve souvent sur des friches industrielles.
A Paris, les anciennes voies de la petite ceinture servent ainsi à de nombreux projets agricoles, qui favorisent en outre le retour à une biodiversité bienvenue. Citons par exemple Infuz’13, géré par l’association Urbanescence, qui a investi une parcelle dans le 13è arrondissement et y fait pousser toutes sortes de plantes aromatiques et organisent des ateliers pour les riverains. Ou encore la Recyclerie dans le 18è arrondissement, qui abrite une ferme urbaine en permaculture, une serre pédagogique, un potager, des ruches, et organise des ateliers autour de l’alimentation durable et du compost.
Les opportunités en milieu urbain sont finalement nombreuses et à portée de tous : renseignez-vous déjà auprès de votre commune qui pourra vous rediriger vers des associations ou entreprises pour monter un projet de végétalisation nourricière dans les bureaux de votre entreprise !