L’objectif d’une démarche d’éco-conception est ambitieux : il s’agit de réduire au maximum l’impact environnemental et sociétal d’un produit ou d’un service en considérant l’intégralité de son cycle de vie, tout en créant de la valeur pour l’utilisateur final (client). On doit pouvoir faire bien mieux avec moins, tout en limitant les déchets. A clé : de l’innovation produit, source de nouveaux marchés, et une meilleure attractivité de l’organisation pour l’ensemble des parties prenantes, le tout avec des coûts maîtrisés.
Jusqu’à 70% des coûts et 80% des impacts environnementaux et sociétaux d’un produit sont déterminés au moment de sa conception, selon l’association Orée. C’est dire l’importance de bien réfléchir à tous les tenants et aboutissants d’un bien de consommation quand on le conçoit !
Eco-conception et économie circulaire sont intimement liées : la réflexion sur le cycle de vie d’un produit part de l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie du produit. Le but n’est pas de produire un futur déchet mais un produit qu’on pourra soit upcyclé soit recyclé. Si on devait ordonner le cercle de l’économie circulaire, l’éco-conception en serait ainsi la première étape, car elle doit imaginer dès le départ la boucle de vie et de « re-vie » que sera le produit/service, en utilisant le moins de matière possible – et en faisant donc des économies.
Les 4 grandes questions à adresser
Toute démarche d’éco-conception commence par un questionnement autour de 4 grandes questions fondamentales, qui se font écho et nécessitent d’être examinées dans leur ensemble, et itérées en permanence : à la fin de l’étape 4, on vérifiera de nouveau le cycle et la justesse des scénarios posés.
1/ Pourquoi ?
A quoi sert précisément mon produit / service ? A quel besoin identifié répond-il ? Peut-on en profiter pour couvrir un autre besoin via le même produit ?
Cette première étape vise à poser le problème de façon très ouverte afin de laisser place aux idées et à la créativité.
2 /Comment ?
Il s’agit ici d’imaginer la façon dont on peut fabriquer le produit et l’emballer pour arriver jusqu’au client final :
– les matériaux utilisés peuvent-ils être réduits (en nombre) au minimum utile pour permettre une meilleure recyclabilité, moins de consommation d’énergie pour l’extraction et l’usage des matières premières, tout en répondant au besoin de la création du produit ?
– toute matière et produit chimique nocifs et/ ou toxiques sont-ils bien évités ?
– la taille et le poids peuvent-ils être optimisés ?
– le process de fabrication prévoit-il le minimum de dépenses en énergie, eau et ressources en général, tout en évitant au maximum de générer des déchets ?
– quel peut être le meilleur emballage éco-responsable correspondant au produit ?
3/ Qui et comment ?
On confronte ce que l’on sait du client via les études marchés ou des questionnaires spécifiques, au produit imaginé dans les étapes précédentes. Comment l’utilisateur final va-t-il utiliser le produit ? Par exemple, est-il intéressant de designer une bouilloire de 3 L alors que l’usage principal constaté est d’une seule tasse de thé ? Les questions à se poser sont orientées « usage » :
– L’évolution du produit est-elle bien conçue ?
– le design du produit est-il suffisamment réfléchi pour qu’il passe les modes et soit toujours « désiré » par le consommateur ? le consommateur va-t-il en faire un usage pendant longtemps ?
– le produit a-t-il plusieurs fonctions qui augmentent son intérêt ? si une fonction n’est plus utile, le produit peut peut-être encore servir pour un autre usage
– le produit peut-il être réparé ? Les éléments constitutifs du produit sont-ils accessibles par l’usager pendant l’usage du produit ?
A-t-il accès à des pièces détachées standard et facilement trouvables sur le marché ?
4/ Quelle fin de vie pour le produit ?
C’est sans doute la partie la plus divergente par rapport à l’économie linéaire : en économie, linéaire, on conçoit un produit qui, devenu obsolète ou irréparable, devient un déchet ignoré dans une décharge ou brûlé. Ici, il s’agit d’activer les leviers positifs de l’économie circulaire : tout produit en fin de vie n’est plus considéré comme un déchet sans valeurs, mais comme une ressource, ou une somme de ressources, pour faire autre chose.
Dans les questionnements de cette étape, on réfléchira ainsi aux points suivants :
– le produit est-il bien conçu de façon modulaire afin d’être upcyclé ?
– les matériaux utilisés permettent-ils de se fondre dans la nature en fin de vie (biodégradables) ou d’être réutilisés (recyclables)
– l’assemblage du produit a-t-il bien été minimisé afin d’être démonté entièrement et facilement ?
– les teintures et peintures ont-elles été évités pour maximiser le recyclage des matériaux ?
Les outils de contrôle de l’éco-conception
L’ACV (analyse du cycle de vie) et l’approche multicritère par impacts sont deux façons de réfléchir et vérifier les impacts environnementaux de son produit.
On étudie chaque composant qui entre dans la fabrication du produit et de son usage, en amont et en aval : procédés et énergies nécessaires à l’extraction des matières premières, de la fabrication en usine ensuite, mais aussi la façon dont il sera utilisé et entretenu par le client final (par exemple, le coût énergétique du lavage d’un pull en machine à 30 °C)
Avoir cette vision globale sert à éviter des effets secondaires négatifs insoupçonnés et le « transfert de pollution ». Reprenons, à titre d’exemple, une expérience vécue par Gunter Pauli, créateur du concept d‘économie bleue. Au début des années 1990, il faisait à grands cris l’éloge de savons biodégradables, des produits écologiques faits dans une usine écologique, dont il ne voyait que les bienfaits pour la planète… jusqu’à réaliser que le succès de ces savons avait entrainé une explosion de la demande en huile de palme présente dans leur fabrication, ce qui « eut pour conséquence la décennie suivante la destruction de 2.5 millions d’hectares de forêt tropicale et par là même la majeure partie de l’habitat des orangs-outans ».
Si l’on considère la seule composition du savon biodégradable, on peut louer un produit sain et fabriqué dans une usine respectueuse de l’environnement. Mais si l’on regarde au-delà de l’usine, la vision est tout autre et avoir produit « bio » n’a absolument pas garanti une solution durable.
Bien éco-concevoir un produit et en suivre les étapes via une ACV permet d’éviter des faux pas à l’opposé de l’objectif recherché.
Organiser une équipe projet
Pour bien mener une démarche d’éco-conception, il est conseillé de monter une équipe projet (ou groupe de créativité) avec des profils variés, et pilotée par une partie prenante extérieure, comme un cabinet de conseil, qui canalisera les idées des collaborateurs vers des projets réalisables et réellement impactants. N’oublions pas l’exemple précédent du savon biodégradable et le potentiel de « fausses bonnes idées » qu’il peut y avoir derrière toute idée a priori géniale ! En ce sens, reposer régulièrement les bases du problème (pourquoi ? comment ?) n’est pas une perte de temps mais un travail nécessaire d’amélioration continue.
L’équipe projet suivra toutes les phases de l’éco-conception, de la réflexion en amont au regard du modèle d’affaires propre à l’entreprise, à l’analyse du projet le mieux-disant, puis sa réalisation et la communication autour de ce nouveau produit (communication interne et externe à l’entreprise).
L’éco-conception est un processus complet, qui force l’innovation et amène à de nouvelles opportunités d’affaires. Plus il est participatif et fait appel à l’intelligence collective, plus il est créatif et emmènera le projet vers la meilleure solution. Qu’attendez-vous pour vous lancer ?