La “Neutralité carbone” est devenue une expression en vogue, autant dans le secteur privé que dans le secteur public. Si ce concept connaît autant de succès c’est parce qu’il a été porté par la communauté internationale depuis des années via un certain nombre de travaux et d’accords. Mais que représente-t-il exactement ? Comment la mesurer ? Explications avec Alexandre Oliveira, chef de projet en Normalisation – Environnement et Changement Climatique à l’AFNOR.
La neutralité carbone planétaire est un prérequis nécessaire au respect de l’objectif +1,5°C : il s’agit de parvenir à un équilibre entre les émissions qui sont générées par l’économie, par nos activités, et la capacité de la planète à les absorber (de façon naturelle ou technologique).
Cette norme, actuellement en cours de finalisation, est donc très importante. Elle sera une norme de la famille des normes ISO14060. Notons que les normes centrales de la famille ISO 14060 sont les normes ISO14064-1, ISO14064-2, ISO14064-3 ainsi que la norme ISO 14067, la norme ISO 14068 vient s’ajouter à cet ensemble normatif.
Pourquoi une norme ?
Sans réelle réglementation, chacun fait selon ses moyens et ses propres exigences, ce qui donne lieu à des incohérences.
Il est par exemple possible de trouver sur le marché des objets “neutre en carbone”, alors que l’entreprise n’a aucune stratégie de réduction de ses émissions. En achetant des crédits carbones, elle a pu compenser les émissions produites par la fabrication de ce produit, ces dernières étant calculées dans un périmètre plus ou moins large, ne prenant en compte que les émissions directes. Il est ainsi difficile pour l’instant de différencier une entreprise qui fait bien les choses, d’une autre qui ne fait que compenser. Le greenwashing n’est jamais très loin !
L’objectif de la norme est donc de répondre à un réel besoin du marché. En effet, l’ensemble des acteurs internationaux et des entreprises s’est positionné comme en faveur de la formalisation des allégations de neutralité carbone, la normalisation apparaît donc comme un moyen adéquat de définir les exigences, donner une méthode et assurer une plus grande transparence autour de la neutralité carbone. Elle va clarifier la notion de “neutralité carbone” pour que tous les acteurs parlent le même langage et utilisent le même cadre.
Les domaines d’application de la norme
• Elle précise les notions et les exigences en matière de neutralité carbone : elle clarifie et définit tous les termes utilisés autour de la neutralité carbone
• Elle établit des principes permettant d’atteindre la neutralité carbone et de se déclarer neutre en carbone (en le démontrant)
• Elle s’applique aux produits, organisations et événements
Qui sera concerné ?
Une norme ISO est internationale. Elle est ensuite reprise de manière volontaire par chacun des pays.
La France est mobilisée sur le texte de la norme ISO 14068, mais cela ne signifie pas que la norme sera forcément reprise en collection française.
Que signifie « reprise en collection française » ?
Les normes ISO sont élaborées à un niveau international, elles existent donc indépendamment des nations qui participent à leur rédaction. Ainsi, théoriquement une organisation peut utiliser et appliquer une norme même si celle-ci n’est pas reprise en collection française. Toutefois, il est important de noter que dans la pratique, une norme non-reprise en collection française va avoir un impact très limité sur le marché qu’elle est sensée adresser. Cela signifie en substance que le marché français n’a pas d’intérêt pour cette norme, cela peut-être pour des raisons de vision ou pour des questions règlementaires. Dans la pratique, elle ne sera pas traduite et il sera impossible d’obtenir des certifications françaises pour la norme.
Si la norme est reprise par la France, elle s’appliquera aux organisations, entreprises, ONG, ainsi qu’aux produits au sens large (aux événements, aux services, aux bâtiments, etc.) dans leur contribution à la réduction du changement climatique.
Quand sera-t-elle effective ?
Ce projet de norme, proposé par BSI, l’organisme de normalisation britannique, a été déposé fin 2019. Jusqu’ici le seul référentiel utilisé était le PAS 2060 – neutralité carbone, élaboré par le BSI. C’est ce document qui sert de base de travail pour l’élaboration de la nouvelle norme.
Au sein de l’AFNOR (Association Française de Normalisation) un groupe de travail s’est formé avec tout type d’organisations. Tout le monde peut entrer dans une commission de l’Afnor pour participer à l’élaboration des normes en échange d’une contribution financière calculée en fonction du statut. Une petite association pourra participer gratuitement par exemple, alors qu’un grand groupe versera une somme calculée en fonction de son chiffre d’affaires.
L’objectif de l’Afnor est, à l’international, de représenter les intérêts de tous les acteurs français, grands comme petits, privés comme publiques. L’AFNOR est une association de loi 1901 avec une mission d’intérêt général. Elle est proche de la réalité des entreprises et des futurs utilisateurs de la norme, mais aussi d’une réalité scientifique objective – d’ailleurs des organismes de recherches tel que le CNRS et les établissements d’enseignement supérieur publics font partie du tour de table.
Actuellement discutée par 22 pays, la norme devrait être publiée fin 2023.
Où en est-on ?
Un document a été élaboré et vient de passer en enquête publique le 31 janvier 2023.
L’AFNOR invite les experts intéressés à y participer. Il suffit de s’inscrire sur la liste des parties intéressées disponible sur Norm’info :
https://norminfo.afnor.org/consultation/pr-nf-iso-14068/gestion-des-gaz-a-effet-de-serre-et-du-changement-climatique-et-activites-associees-neutralite-carbone/124392