Début juin 2023, la commission européenne a proposé à la consultation une nouvelle version des indicateurs de la CSRD, les ESRS (standards européens de reporting sur la durabilité) définis par l’EFRAG et qui avaient été publiés dans leur première version à l’automne dernier. Ils devraient être validés définitivement d’ici la fin de l’été. Revue des points à retenir.
Les ESRS spécifient les informations que les entreprises doivent divulguer sur leurs impacts, risques et opportunités matériels en matière de durabilité environnementale, sociale et de gouvernance, dans le cadre de la CSRD (voir notre article). Ils sont définis par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) qui réunit différentes parties prenantes européennes pertinentes sur le sujet.
Le but de la CSRD en général, et de ces indicateurs en particulier, est, d’une part de définir un socle commun européen de reporting extra-financier ; d’autre part de permettre à quiconque qui lit le rapport de durabilité d’une entreprise d’en comprendre les impacts matériels de l’entreprise sur les personnes et l’environnement, ainsi que la performance et la position de l’entreprise sur ces facteurs.
Quel changement dans les normes ESRS ?
Un premier jeu d’exigences sur le contenu du rapport de durabilité avait été émis en novembre 2022. La révision de la Commission européenne suite à cette première publication a donc été présentée en juin 2023. Critiquée car moins ambitieuse en termes d’engagements que la première version, cette version assouplit un certain nombre de contraintes et décale certains délais de mise en application, la justification de cet assouplissement étant qu’un plus grand nombre d’entreprises puisse correctement appliquer les nouvelles normes rapidement.
Concrètement, s’agissant de la matérialité, le caractère obligatoire de certains indicateurs a été supprimé. Seuls les indicateurs résultant de l’analyse de la matérialité demeurent indispensables, ainsi que ceux décrits dans la norme ESRS2.
Par ailleurs, les entreprises de moins de 750 salariés pourront décaler la prise en compte et réponse à certaines normes :
- d’un an pour les normes ESRS E1 -6 (Scope 3) et ESRS S1 ;
- de 2 ans pour les normes ESRS E4 et ESRS S2, S3 et S4 ;
Quel est l’ensemble des normes ESRS proposées par l’EFRAG ?
Deux normes transversales encadrent les exigences (ESRS 1) et les exceptions (ESRS 2) des 10 normes thématiques qui abordent les piliers ESG (5 sont liées à l’environnement, 4 au social/sociétal et une dernière à la gouvernance) et des normes sectorielles.
Si un cadre général est donné à travers les normes thématiques, il est toutefois attendu des entreprises qu’elles aillent plus loin dans la divulgation de toutes informations et indicateurs de suivi de leurs enjeux de durabilité matériels identifiés.
Concernant les normes sectorielles, 40 secteurs ont été identifiés. Les définitions des normes seront également proposés par l’EFRAG. Elles seront ensuite validées par la Commission européenne. Si on peut s’attendre à quelques propositions en 2024, rien ne sera vraisemblablement adopté avant 2025, pour une mise en application par lots entre 3 à 5 ans.
Les PME cotées feront également l’objet de normes spécifiques dont on prévoit une adoption d’ici à fin 2024. Des propositions seront également formulées pour toutes les PME volontaires qui voudraient déjà s’y mettre.
Quelles sont les 10 normes ESRS ?
- Les 5 normes environnementales : les ESRS E
Les questions de durabilité couvertes | |||
ESRS | Thématique | Sous-Thématique | Sous-sous thématique |
ESRS E1 | Changement climatique | Adaptation au changement climatique Atténuation du changement climatique Energie | |
ESRS E2 | Pollution | Pollution de l’air Pollution de l’eau Pollution du sol Pollution du vivant (ressources organismes et nourriture) Substances préoccupantes Substances de très haute préoccupation Microplastiques | |
ESRS E3 | L’eau et les ressources marines | L’eau Les ressources marines | Consommation d’eau Prélèvements d’eau Rejets d’eau Rejets d’eau dans les océans Extraction et utilisation des ressources marines |
ESRS E4 | Biodiversité et écosystèmes | Impacts directs, facteurs de perte de la biodiversité | Changement climatique Changement d’affectation des sols, de l’eau douce et de l’eau de mer Exploitation directe Espèces exotiques envahissantes PollutionAutres |
Impacts sur l’état des espèces | Exemples : Taille de la population de l’espèce Risque d’extinction globale de l’espèce | ||
Impacts sur l’étendue et l’état des écosystèmes | Exemples : Dégradation des sols Désertification Imperméabilisation des sols | ||
Incidences et dépendances sur l’écosystème | |||
ESRS E5 | Economie circulaire | Flux de ressources,y compris l’utilisation des ressources Sorties de ressources liées aux produits et services Déchets |
- Les 4 normes sociales et sociétales : les ESRS S
Les questions sociales et sociétales couvertes | |||
ESRS S | Thématique | Sous-Thématique | Sous-sous thématique |
ESRS S1 | Main d’oeuvre | Condition de travail | Emploi sécurisé Temps de travail Salaires adéquats Dialogue social Liberté d’association Négociation collective Équilibre travail-vie personnelle Santé et sécurité |
Traitement égal et des opportunités pour tous | Égalité des sexes et salaire égal pour un travail de valeur égale Formation et développement des compétences Emploi et insertion despersonnes handicapées Mesures contre la violence et le harcèlement au travail | ||
Autres droits liés au travail | Travail des enfants Travail forcé Logement convenable Confidentialité | ||
ESRS S2 | Travailleurs dans la chaîne de valeur | Conditions de travail | Emploi sécurisé Temps de travail Salaires adéquats Dialogue social Liberté d’association Négociation collective Équilibre travail-vie personnelle Santé et sécurité |
Traitement égal et des opportunités pour tous | Égalité des genres et salaire égal pour un travail de valeur égale Formation et développement des compétences L’emploi et l’insertion des personnes handicapées Mesures contre la violence et le harcèlement au travail Diversité | ||
Autres droits liés au travail | Travail des enfants Travail forcé | ||
Logement adéquat Eau et assainissement Confidentialité | |||
ESRS S3 | Communautés affectées | Droits économiques, sociaux et culturels des communautés | Logement convenable Nourriture adéquate Eau et assainissement Impacts liés à la terre Impacts liés à la sécurité |
Droits civils et politiques des communautés | Liberté d’expression Liberté de réunion Impacts sur les défenseurs des droits de l’homme | ||
Droits des peuples indigènes | Consentement libre, préalable et éclairé Autodétermination Droits culturels | ||
ESRS S4 | Consommateurs et utilisateurs finaux | Impacts liés à l’information | Confidentialité Liberté d’expression Accès à des informations (de qualité) |
Sécurité personnelle | Santé et sécurité Sécurité d’une personne Protection des enfants | ||
Inclusion sociale | Non discrimination Accès aux produits et prestations de service Pratiques marketing responsables |
- La norme Gouvernance
Les questions de gouvernance | |||
ESRS G | Thématique | Sous-Thématique | Sous-sous thématique |
ESRS G1 | Conduite des affaires | Culture d’entreprise Protection des lanceurs d’alerte Bien-être animal Engagement politique et activités de lobbying Gestion des relations avec les fournisseurs, y compris les pratiques de paiement | Emploi sécurisé Temps de travail Salaires adéquats Dialogue social Liberté d’association Négociation collective Équilibre travail-vie personnelle Santé et sécurité |
Corruption et pots-de-vin | Prévention et détection, y compris la formation Incidents |
Quelles sont les exigences minimales des normes ?
Les normes thématiques et sectorielles devront reprendre un même schéma qui couvre 4 points :
- la gouvernance : il faudra décrire les processus, contrôles et procédures de gouvernance utilisés pour surveiller et gérer les impacts, les risques et les opportunités (IRO)
- la stratégie : comment la stratégie et le modèle d’entreprise interagissent avec les impacts, risques et opportunités significatifs de l’entreprise, y compris la manière dont l’entreprise traite ces impacts, risques et opportunités
- la gestion des impacts, des risques et des opportunités. Ce volet couvre 2 points fondamentaux, à savoir :
- comment l’entreprise identifie les impacts, les risques et les opportunités et évalue leur matérialité
- quelles politiques et actions sont mises en place pour gérer les questions importantes de durabilité
- les indicateurs de suivi et objectifs : comment l’entreprise mesure sa performance, y compris les objectifs qu’elle s’est fixés et les progrès accomplis pour les atteindre.
La double matérialité : le pivot central du rapport de durabilité
Les textes précisent clairement les deux dimensions de la double matérialité :
- la matérialité de l’impact : les impacts comprennent ceux liés aux opérations et à la chaîne de valeur de l’entreprise, y compris par le biais de ses produits et services, ainsi que par le biais de ses relations commerciales.
Les relations d’affaires incluent celles de la chaîne de valeur en amont et en aval de l’entreprise et ne se limitent pas aux relations contractuelles directes.
Les impacts sur les personnes ou l’environnement incluent les impacts liés aux questions environnementales, sociales et de gouvernance.
- la matérialité financière : on parle ici de la partie qui se rapporte au développement durable, et est donc une extension du champ de l’importance relative utilisé dans le processus de détermination des informations à inclure dans les états financiers de l’entreprise.
Une question de développement durable est importante d’un point de vue financier si elle entraîne ou pourrait raisonnablement être susceptible d’entraîner des effets financiers importants sur l’entreprise. L’importance financière d’une question de développement durable ne se limite pas aux questions qui sont sous le contrôle de l’entreprise, mais comprend des informations sur les risques et opportunités significatifs attribuables aux relations d’affaires avec d’autres entreprises ou parties prenantes au-delà du périmètre de consolidation utilisé dans la préparation des états financiers.
Les dépendances vis-à-vis des ressources naturelles, humaines et sociales peuvent être sources de risques ou d’opportunités financières.
Périmètre du rapport de durabilité
Le rapport de durabilité devra suivre le même périmètre que celui des états financiers : par exemple, si l’entreprise déclarante est un groupe et si la société mère est tenue de préparer des états financiers consolidés, les états financiers et de développement durable consolidés concerneront la société mère et ses filiales.
Les informations présentes dans le rapport concernent les impacts, risques et opportunités de l’entièreté de la chaîne de valeur, en amont comme en aval. Toutefois, il s’agit ici d’identifier si les acteurs de la chaîne de valeur identifiés sont liés à des impacts matériels importants. L’enjeu est aussi ici que les lecteurs du rapport de durabilité comprennent bien les IRO significatifs de l’entreprise.