CSRD et le rapport de durabilité : les entreprises concernées

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Avec la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), l’Union Européenne a défini le cadre d’un rapport de durabilité commun à toutes les entreprises. Une première mondiale qui vise à normaliser la façon dont les organisations présentent leurs chiffres et leurs efforts en matière RSE, et de lutter contre le greenwashing. Plus de 2000 ETI et PME seront concernées dès 2024 par le champ de ces nouvelles obligations réglementaires. Explications.

CSRD : le contexte avec l’actuelle DPEF

Depuis l’ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017, certaines entreprises françaises sont soumises à une obligation de DPEF (déclaration de performance extra-financière). Ce texte faisait référence au niveau européen à la NFRD, ancêtre de l’actuelle CSRD, directive 2014/95 du 22 octobre 2014.

Concrètement, certaines entreprises au statut juridique particulier et dépassant certains seuils doivent rédiger une DPEF mentionnant des indicateurs de performance qui estiment et préviennent les principaux risques de l’entreprise. Cette DEPF doit faire l’objet d’un contrôle par un OTI (Organisme Tiers Indépendant) et d’une communication auprès des actionnaires.
Les entreprises concernées sont :

  • les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés européennes, à l’exclusion des SAS
  • les sociétés cotées sur un marché réglementé si elles répondent aux critères suivants : leur bilan est supérieur à 20 M € OU le montant net de leur chiffre d’affaires supérieur à 40 M € ET si elles emploient plus de 500 salariés.
  • les autres sociétés si elles répondent aux critères suivants : le total de leur bilan est supérieur à 100 M € OU le montant net du chiffre d’affaires supérieur à 100 M € ET si par ailleurs elles emploient plus de 500 salariés.

La Taxinomie : une classification supplémentaire pour éviter le greenwashing

Toujours dans une logique de lutte contre le greenwashing, et de façon à rendre plus lisible la finance durable, le Règlement n° 2020/852 du 18 juin 2020 vise l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables. Appelé Taxinomie, une classification précise et sectorielle est mise en place au niveau européen pour justifier des activités dites durables de l’entreprise.

Il s’agit ensuite pour les entreprises concernées d’exprimer 3 indicateurs clés, présents dès l’exercice 2022 :

  • la part du CA des activités dites durables
  • la part des dépenses d’investissement au profit d’activités dites durables
  • la part des dépenses d’exploitation liées aux actifs ou processus associés à ces activités.

Pour être éligibles, les activités dites durables devront contribuer à un ou plusieurs objectifs, ne pas causer de préjudice à d’autres objectifs, respecter des garanties minimales au regard des droits de l’homme et du droit du travail et être conforme à des critères d’examens techniques (voir notre article sur la taxinomie)

CSRD ou le rapport de durabilité : les entreprises concernées

Le Conseil européen a adopté le 28 novembre 2022 la directive CSRD qui oriente vers un nouveau rapport dit de durabilité qui remplacera l’actuelle DPEF dès fin 2023 pour les entreprises déjà soumises à l’obligation de reporter leurs performances extra-financières (rapports publiés en 2024 concernant l’exercice 2023).

Le champ des entreprises soumises à la CSRD s’étend considérablement, puisque désormais seront concernées, à partir du 1er janvier 2024 (rapport publié en 2025) :

  • toute entreprise dépassant 2 des 3 seuils suivants : ayant un total du bilan de 20 M € ou un chiffre d’affaires de 40 M € ou employant 250 salariés
  • toutes les sociétés cotées sur un marché réglementé, à l’exclusion des micro-entreprises
  • les filiales et sous-groupes européens de groupes hors UE s’ils remplissent certaines conditions, notamment si les informations les concernant ne sont pas incluses dans le reporting de durabilité de la société mère avec les mêmes normes d’information en matière de durabilité qu’exigées par la CSRD

CSRD : modalité du rapport de durabilité

Visant à harmoniser, enrichir et améliorer la comparabilité du reporting en matière de durabilité, le contenu des nouveaux rapports seront plus riches et précis en termes d’attendus. Il faudra également clarifier la gouvernance, en particulier la responsabilité de la direction et le rôle du comité d’audit chargé de veiller au respect des attendus. La notion de double matérialité devient par ailleurs le pivot central du rapport et devra étudier les impacts, risques et opportunités (IRO) au regard des sujets de durabilité.

Le rapport de durabilité devra être présent dans le rapport de gestion de l’entreprise, dans une section dédiée (comme actuellement avec la DPEF française). La grande différence est sur la forme du document : un format électronique unique sera mis en place afin de permettre une meilleure lecture par toutes les parties prenantes du rapport (XHTML) et un système de tags facilitera les recherches.

Par ailleurs, le European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) est chargé de proposer des normes précises afin que les informations publiées soient compréhensibles, pertinentes, représentatives, vérifiables, comparables et fidèles.

Le rapport de durabilité devra par ailleurs faire l’objet d’un contrôle par le Commissaire aux Comptes (CAC), dont il faudra une « assurance modérée ».

CSRD : structure du rapport de durabilité

Les entreprises devront fournir des informations qualitatives, prospectives et rétrospectives qui expliquent clairement leur plan de route ESG et la façon dont elles intègrent les risques et opportunités des sujets de durabilité dans leur modèle d’affaire. Clarté, transparence et précisions seront de mise pour expliquer la prise en compte des grands enjeux, notamment environnementaux (neutralité carbone en 2050), et justifier les moyens mis en oeuvre pour assurer la résilience de l’entreprise aux risques de durabilité.

Tous les horizons de temps, court, moyen et long terme en fonction de leur pertinence, devront être abordés pour expliquer la trajectoire envisagée par l’entreprise, en englobant l’entièreté de sa chaine de valeur.

Le document devra donc être structuré autour des 3 piliers Environnemental, Social et de Gouvernance, expliquer les processus pour remonter les informations, interroger les parties prenantes, construire les politiques en matières de durabilité et prouver les moyens donnés pour les appliquer.

Dans les informations qui devront donc y figurer, on trouvera notamment :

  • la description du modèle d’affaire et de la stratégie économique de l’entreprise, notamment dans la prise en compte des risques et opportunités en matière de durabilité, et la double matérialité
  • les éléments financiers et les plans d’investissements pour garantir leur compatibilité avec la neutralité carbone en 2050
  • la description des objectifs de durabilité et des indicateurs liés
  • la description du rôle des organes d’administration, de direction et de surveillance au regard des questions de durabilité ;

CSRD : quelles informations et indicateurs devront être présents ?

L’EFRAG travaille à l’élaboration des normes communes ESRS, notamment en ce qui concerne la matérialité et un socle commun à toutes les organisations, en plus de la définition d’enjeux spécifiques.

Le rapport de durabilité reprendra les éléments de l’actuelle DPEF (les 40 éléments du Grenelle 2 ; la lutte contre l’évasion fiscale ; les thématiques de l’économie circulaire, diversité, inclusion…) mais se renforcera d’éléments plus précis.

En matière d’environnement, le rapport devra ainsi traiter les 6 objectifs de la taxinomie : atténuation et
adaptation au changement climatique ; utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines ; transition vers une économie circulaire ; contrôle de la pollution ; protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

En matière de gouvernance, il faudra préciser la composition et le rôle des organes de gouvernance sur les enjeux de durabilité. La description de l’éthique des affaires, les relations d’affaires et les systèmes de contrôle devront être par ailleurs expliqués.

CSRD : comment s’y préparer

Les informations exigées par la CSRD dans le rapport de durabilité expriment finalement la stratégie RSE de l’entreprise, formalisée par une feuille de route RSE reprenant des indicateurs de suivi et des objectifs à court, moyen et long terme.

Loin d’être réservée aux seuls grands groupes, une stratégie RSE est au contraire une démarche utile pour progresser et mesurer ses progrès, quelle que soit sa taille d’entreprise. Réaliser dans un premier temps un audit pour mesurer ses avancées ou retards est une première action efficace. Formaliser ensuite la stratégie, exprimée dans un rapport et adosser à des outils de collecte de data fiables permet de devancer les futures obligations réglementaires et d’être en avance de marché.

En ce sens, la montée en compétences en interne des managers comme de l’ensemble des salariés, est autant précieuse que nécessaire.



Pour en savoir plus :
Les documents de l’EFRAG
La proposition finale de la CSRD
L’analyse du cabinet Emeriane dans la revue juridique Lexis Nexis